Voir le programme | Voir le comité
CONTROVERSES ET GÉOGRAPHIES
Les différences de pensée s’affirment constamment entre individus et groupes, dans tous les domaines, et notamment, bien sûr, dans celui de la pensée scientifique. Les dissensions, les débats y sont permanents, constitutifs même, en participant à l’établissement de la preuve. Mais voici que parfois ces différences et différends se cristallisent, en quelque sorte. Autour de certains thèmes des groupes se constituent, s’organisent parfois, des écoles de pensée se fondent sur des conceptions systématisées, les débats deviennent récurrents, on s’installe dans la durée, les positions se précisent au cours de discussions répétitives : une controverse est née.
Forme parmi d’autres du débat scientifique, elle pourra, selon les circonstances, s’effacer en peu de temps, mais aussi devenir durable, marquer une partie de la communauté scientifique pendant des mois, voire des années.
Dans les sciences, des controverses apparaissent régulièrement, témoignant de la vitalité de la pensée. Elles peuvent certes présenter des aspects négatifs, en figeant des positions, en substituant des oppositions ou des querelles de personnes ou d’écoles, des enjeux de pouvoir, aux véritables débats scientifiques. Mais pour l’essentiel elles sont fécondes, dans la mesure où elles conduisent à affiner les argumentations, à rechercher toujours davantage de preuves, à provoquer des remises en cause, des innovations et des enrichissements.
Le rôle des controverses, dans leur variété, mérite ainsi d’être soumis à un examen critique : ce sera le thème du GÉOPOINT de 2014. Cette réflexion semble d’autant plus utile, voire urgente, que tendent à devenir la norme dans le monde scientifique des pratiques qui déforment les débats ou, plus subrepticement les « modèrent », et qui tendent donc à étouffer les saines controverses. Il s’agit en particulier des inconvénients de ce que l’on appelle « l’évaluation
par les pairs ». Celle-ci aboutit à un glissement des procédures d’évaluation de la recherche vers les traces de la recherche, et de l’organisation collective de la réfutation vers la citation des publications. Or, cette modalité d’évaluation pose de nombreux problèmes. L’importance de la citation encourage à choisir des sujets à la mode ; l’évaluation a priori par les pairs encourage à ne pas remettre en cause les travaux existants, qui ont de fortes chances d’être ceux des « évaluateurs » ; la bibliométrie valorise plus la quantité que la qualité. Le mode opératoire scientifique actuel tend à évincer la controverse.
Naturellement, le Géopoint fera une part essentielle aux controverses en géographie, aux rapports de la géographie avec les controverses.
Cela implique que l’on se demande comment la controverse en géographie se situe vis-à-vis des problématiques générales évoquées ci-dessus, notamment dans quelles conditions sont apparues des controverses, et dans quelle mesure elles ont reflété l’activité des géographes, dans quelle mesure aussi elles ont été fécondes ou stériles.
Mais il est des questions qui portent sur des aspects plus spécifiques. On peut se demander en effet :
- Quelle est la part des controverses limitées à des problématiques propres à l’étude de l’espace, par rapport à la place de celles qui renvoient à des questions d’épistémologie générale, voire à des visions du monde ou des idéologies ?
- Quelle est la contribution des géographes à des controverses relatives aux grands problèmes du monde contemporain ? (Les exemples ne manquent pas, des actions des sociétés humaines sur le climat aux modalités et effets de la mondialisation….).
- Que peut-on dire des esquives de la géographie ? Éviter de participer à une controverse, s’interdire de poser certaines questions, garder le silence devant celles qui sont posées par d’autres, ce sont autant de formes d’esquive, qui peuvent traduire une indifférence plus ou moins justifiée. Dans quelle mesure les esquives sont-elles pratiquées par des géographes et quel jugement peut-on porter sur elles, puisqu’elles peuvent être plus ou moins rationnellement justifiées ?
- Que peut-on dire des « sujets à controverse », de ceux qui ont été abondamment traités et de ceux qui ont été trop ignorés ? Et surtout, comment à l’avenir ces sujets seront-ils définis, et comment aider à les faire émerger ?
Les débats du Géopoint seront organisés autour de trois sous-thèmes. Pour la discussion de chacun d’entre eux, à partir des contributions fournies, les participants seront répartis en ateliers.
SOUS-THÈME 1. Se poser en s’opposant ou en esquivant
Expliciter ce que l’on n’approuve pas chez l’autre, voire ce qui amène à le constituer comme« autre » peut être une démarche intellectuelle féconde ; elle est inhérente à la notion de controverse, permet d’en préciser la nature et les limites. En revanche, il y a des controverses évitées, des problèmes esquivés dans la géographie d’hier et d’aujourd’hui dont il faudra montrer les logiques de choix implicites ou explicites. Ces explicitations pourraient utilement servir de base à des contributions sur les aspects généraux de la controverse – mais les façons qu’ont les géographes de se poser et s’opposer offrent des sujets de réflexion fort nombreux.
SOUS-THÈME 2. « Sujets à controverse »
Occasion d’un retour sur les sujets des controverses passées, et sur l’attention plus ou moins méritée dont ils ont été l’objet, mais surtout conditions d’émergence des sujets à controverse de l’avenir.
Ce deuxième thème sera plus particulièrement pris en charge par des groupes de doctorants (il est bien entendu que les doctorants seront les bienvenus dans toutes les formes de participation au Géopoint).
SOUS-THÈME 3. La géographie et les grandes controverses du monde contemporain
La plupart des grandes controverses contemporaines ont une double dimension sociale et spatiale. À ce titre, elles nécessitent une approche géographique. C’est le cas aussi bien des changements globaux que des évolutions complexes, bulles financières, révolutions géopolitiques…