Appel à Communications

Voir le programme | Voir le comité

TOUS HABITANTS ?

Re–conceptualisé depuis le début du XXIe siècle, le concept d’habiter nomme, au‐delà du seul fait de se loger, la dimension spatiale de l’humanité. Elle permet ainsi de dépasser l’opposition entre immobilités et mobilités afin d’appréhender les nouveaux modes de légitimation ainsi que d’analyser les appartenances multiples et autres habitants pluriels. L’émergence de l’habitant, comme notion et objet scientifiques en découle. Elle croise les réflexions sur l’« individualisation » des sociétés, voire sur la déconstruction de modèles de ce qui fait « société ». Dès lors, il est possible d’utiliser la notion d’habitant pour qualifier chacun et chacune à travers les singularités de sa ou de ses dimensions spatiales. Les lieux de naissance, de travail, de vacances, etc. deviennent ainsi autant de points sur une carte d’identités qui qualifie chacun et chacune. Dialogiquement, chacun et chacune habitent le Monde aussi bien que le Monde habite en eux : tous sont ainsi faits des lieux fréquentés, imaginés, rêvés, etc. Le lien entre habiter et constructions identitaires est ainsi établi. Il est l’un des coeurs de ce Géopoint. Cette approche par le singulier interroge les fondements classiques de la géographie, traditionnellement plus tournée vers les faits collectifs. Mais au‐delà, elle questionne aussi une bonne part des sciences sociales, très attachées à la recherche de règles collectives. Or, dans ces nouvelles perspectives, la question des individualités pourrait en devenir un des thèmes d’étude majeur. C’est que les références s’accumulent, de la biographie historique à l’individualisme méthodologique et aux témoignages et réflexions auto–biographiques, littéraires ou non, qu’elles soient intellectuelles, méthodologiques, analytiques, sociologiques ou… géographiques. ’est ainsi qu’il devient possible d’aborder, géographiquement, l’étude des personnes. C’est que les bouleversements du Monde contemporain, en particulier et parmi d’autres, ses dynamiques de mobilisations généralisées et le passage aux « sociétés à habitants mobiles » poussent les sciences sociales vers la pente des individualités, par exemple à travers les voix d’une « théorie du singulier » : en quoi chacun et chacune peut‐il ou peut-elle être, tout à la fois, différent et identique à tous les autres ? De fait, même les habitants immobiles sont peu ou prou déplacés par les habitants mobiles, par exemple quand les touristes détournent de leurs usages précédents les lieux visités.

Qu’est‐ce donc qu’un habitant, qu’est‐ce qu’être habitant ?

Sommes‐nous tous des habitants, quitte à ne pas avoir tous une adresse ? Ou bien la « qualité » d’habitant dépend‐elle d’une condition de durée ? Et, dans ce cas, combien de temps faut-il pour habiter ?
En quoi et comment la virtualisation des vécus et des échanges change‐t‐elle le rapport à la notion d’habitants ?
Et si nous habitions tous, n’habitons‐nous pas différemment ? Et comment, le cas échéant, différents lieux habitent‐ils en chacun et chacune ? Comment les lieux participent‐ils aux constructions identitaires de leurs habitants ? À quoi tiennent ces différences ? Que disent-elles et qu’entrainent‐elles ?

Qui habite et comment ?

En quoi des différents styles d’habiter peuvent‐ils renvoyer à des catégories d’habitants et comment proposer une ou des typologie.s d’habitant.e.s ?
Existent‐ils des « normes » habitantes, des « légalités » et des « légitimités » et qui les instaurent ? Comment sont‐elles inventées, diffusées, légitimées ?
Sont‐elles d’égales intensités et, le cas échéant, comment ne pas les hiérarchiser, en valorisant les unes pour déconsidérer les autres ?
En quoi les différents types d’habitants sont‐ils contraints par leur condition ou leur statut d’habiter autrement que les autres et autrement qu’ils le voudraient eux‐mêmes ? Les enfants, les personnes âgées, les pauvres, les personnes en situation de divers handicaps sont les victimes classiques d’une cohabitation inégale. Pour les femmes, le phénomène est particulièrement ancien et puissant et il commence à être étudié sérieusement par les
sciences sociales. En quoi une habitante est‐elle, aujourd’hui, ici et ailleurs, malgré les principes et les discours, différente d’un habitant ?

Les effets des styles d’habiter et leurs mesures

Comment, dès lors, caractériser et mesurer les effets de la présence – ou de l’absence – des habitants : selon les termes de l’économie présentielle ? Sur le plan fiscal, de la perception et la répartition des ressources ? Sur plan électoral, avec quelles relations entre les populations votantes et celles qui ne votent pas dans le lieu, pour quelles conséquences pour tous les autres ?
De même, la question de l’empreinte écologique des habitants interroge encore les styles d’habiter par le biais de leur durabilité. C’est que l’approche par le singulier pourrait aussi s’avérer pertinente pour questionner les contributions potentielles de la géographie à l’étude plus spécifique des initiatives et projets habitants tentant, dans le contexte de la crise écologique actuelle, de dessiner les contours de nouvelles façons d’habiter.

Habitants, cohabitants

Pour s’intéresser aux individualités, la notion d’habitant ne se coupe certainement pas du politique. Être soi‐même, inventer sa « place » dans le Monde ou y être assigné, c’est toujours aussi être parmi les autres, quelles que soient les modalités même de ce « parmi ».
De fait, chaque habitant est aussi cohabitant, avec toutes les questions de légalités et de légitimités que cela pose dans une sociabilité qui, tout à la fois, est celle des solidarités et des concurrences. Qu’est‐ce donc qui fait d’un habitant un citoyen ? Comment penser, par exemple, à l’intérieur d’une Union Européenne qui a fait de la libre‐circulation l’un des fondements de sa citoyenneté, la présence d’habitants non‐européens ? Comment, au‐delà
peut‐être, se construisent les collectifs, sur quelles bases et comment fonctionnent‐ils ? Et comment ne pas considérer qu’une telle dynamique renouvelle et interroge les régimes démocratiques de ce continent ?
Au‐delà de ces interrogations, l’enjeu de ce Géopoint est d’explorer toutes les manières possibles d’aborder et d’analyser, sous tous ses angles, une notion (nouvellement) géographique dont la portée dépasse largement les contours de cette seule science.