Appel à Communications

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Espaces citoyens Sciences de l’espace et politique

Élaborer des connaissances, les publier dans des revues spécialisées, développer des méthodes et des outils toujours plus complexes et performants, que l’on souhaite être « d’aide à la décision », constitue le quotidien du chercheur en sciences de l’espace. Au risque de fonctionner en vase clos, voire d’être inutile, cette activité scientifique doit obligatoirement se doubler d’un regard réflexif pour s’interroger :

  • sur les modalités contemporaines de la production des connaissances au sein des sciences de l’espace, en particulier sur le rôle croissant que peuvent y tenir les citoyens,
  • sur l’appropriation et l’utilisation concrètes de ces connaissances aussi bien par les citoyens que par les élus décideurs,
  • sur les contributions effectives de ces savoirs spatiaux à la définition des projets politiques et à la construction de la citoyenneté ; les dynamiques récentes de la géographie des votes, en Europe et aux États-Unis illustrant plus que jamais la relation fondamentale entre espace et politique.

Souhaitant contribuer à ce regard distancié et décentré, Géopoint 2018 a pour objectif d’explorer autour de trois champs de questionnement les modalités de production et d’utilisation des savoirs spatiaux et leurs interactions avec le politique.

1. Quelles places respectives pour le citoyen, l’expert et le chercheur dans la production de connaissance au sein des sciences de l’espace ?

Le questionnement vise ici à savoir qui produit aujourd’hui ou pourrait produire des connaissances au sein des sciences de l’espace. En plus, ou à côté de la recherche « traditionnelle » universitaire, existe-t-il de nouvelles modalités de production des savoir et savoir-faire en sciences de l’espace ? L’expérience et/ou l’expérimentation, largement prônées par les financeurs de la recherche, peuvent-elles être des moyens de production de connaissances généralisables ? À côté des « professionnels de la profession », le citoyen, le militant, aujourd’hui capables de mobiliser données et moyens d’analyse, peuvent-ils devenir – et à quelles conditions – producteurs de savoirs spatiaux légitimes ? Dans quelle mesure, ces savoirs remettent-ils en question l’autorité, voire la légitimité, du chercheur ou de l’expert ? On interroge donc ici les statuts de la « connaissance », entendue soit du côté du savoir scientifique – en prise ou non avec une opérationnalité d’expertise -, soit du côté des savoirs spatiaux présents dans le corps social et politique. Ces derniers ne sont évidemment pas déconnectés des premiers (qui circulent par l’intermédiaire des médias, des systèmes éducatifs etc.), mais ne relèvent pas du même statut, en particulier dans la connaissance réflexive de leur fabrication. Au total, cet ensemble de questions, entre logique déductive et modélisatrice et logique inductive, où l’expérience même individuelle joue un grand rôle, conduit à s’interroger sur les places relatives du chercheur géographe, de l’expert et du citoyen dans la production de savoirs géographiques.

2. Quelle appropriation et utilisation de la connaissance issue des sciences de l’espace par les citoyens et les élus décideurs ?

Avec un temps médiatique et politique toujours plus court, à l’heure du tweet, de l’instantanéité, de l’urgence, réelle ou supposée, le citoyen, l’expert et in fine l’élu décideur, ont-ils encore le temps et la capacité à s’approprier les savoirs spatiaux dans toute leur complexité, aussi bien pour l’exercice de leur métier que pour l’élaboration de la citoyenneté ? Même lorsqu’ils sont réellement appropriés, à l’heure de la primauté de l’action, les savoirs spatiaux anciens et nouvellement produits éclairent-ils vraiment la décision ou ne sont-ils mobilisés, quitte à être caricaturés ou détournés, que pour justifier l’action ? Dans les interrelations entre savoirs, citoyens et élus-décideurs, va-t-on vers une désintermédiation et avec quelles conséquences en termes d’appropriation ? Si la désintermédiation entre le peuple et les élus-décideurs devient un but à atteindre, en particulier dans la démarche participative qui revendique un nouveau contrat social qui passe par un territoire comme espace négocié, plutôt que planifié par le haut, comment faire pour que les citoyens soient en capacité non seulement de critiquer, mais aussi de faire des contre-propositions ou de coproduire les décisions ? Comment créer des dispositifs permettant de recueillir efficacement les visions et les attentes des citoyens pour contribuer de manière non technocratique aux exercices de prospective ? Quelle appropriation et mobilisation effectives des savoirs spatiaux pour l’élaboration de ces territoires négociés issus théoriquement d’un exercice fort de la citoyenneté ? Dans cette démarche, le géographe, l’urbaniste ou l’aménageur peuvent-ils, doivent-ils, se positionner comme médiateurs ? Sur ce point, les sociétés contemporaines et les projets politiques semblent hésiter entre la recherche radicale d’une désintermédiation et l’émergence de nouvelles formes de remédiation, en lien notamment avec les usages du numérique ? Questionner l’appropriation et l’utilisation effectives des savoirs des sciences de l’espace, revient à s’interroger sur leur utilité concrète pour une gouvernance éclairée des territoires, quelle qu’en soit l’échelle.

3. Quelles contributions passées, actuelles et futures des savoirs spatiaux à la citoyenneté et à l’élaboration des projets politiques ?

« Il y a politique de l’espace parce que l’espace est politique ». Sur la base de cette affirmation de Lefebvre (1974), le dernier faisceau de questionnements porte sur la contribution des savoirs spatiaux à la citoyenneté et à l’élaboration des projets politiques. Quelles sont les responsabilités des producteurs des savoirs spatiaux dans la construction de la citoyenneté et des projets politiques ? En particulier, comment la connaissance et la reconnaissance par les citoyens et décideurs de l’hétérogénéité spatiale interrogent-elles la politique et la citoyenneté ? L’hétérogénéité territoriale doit-elle nécessairement rimer avec solidarité et subsidiarité ? Se pose ici la question de l’échelle pertinente d’action, avec notamment la nécessité de faire dialoguer les réseaux des pratiques sociales et les territoires du politique. Quels enjeux spatiaux, notamment en termes d’équité, sont liés aux évolutions contemporaines et à l’élaboration de nouveaux projets politiques et de société ? Par exemple, le manque croissant de moyens financiers, mais aussi les dysfonctionnements en termes de gouvernance, laissent de plus en plus l’efficacité primer sur l’équité territoriale. Aussi, on peut se demander si une pleine citoyenneté peut exister sans s’interroger sur la notion de justice spatiale ? Enfin, si l’objectif est ici de savoir dans quelle mesure les savoirs spatiaux peuvent être des instruments de la citoyenneté et de nouveaux projets de société, on peut aussi à l’inverse s’interroger sur les savoirs spatiaux nécessaires à la construction de la citoyenneté et de projets politiques contemporains.